A521: ALPINE F1 TEAM
PRESENTACIÓN AUTO 2021:
L’Alpine A521 à la loupe
Il n’y a pas que la couleur qui change sur l’Alpine A521, désormais vêtue de bleu. La F1 que piloteront Fernando Alonso et Esteban Ocon a évolué au niveau de la suspension arrière et du refroidissement, avec un capot moteur qui rappellera aux plus anciens celui de la Ligier JSS5, toutes proportions gardées. Parcourons en images les nouveaux reliefs de la montagne Alpine.
DES PONTONS À L’HORIZONTALE
Pour atteindre les sommets, l’écurie de F1 Renault a décidé de devenir Alpine. Comme les autres monoplaces 2021, la A521 est une continuation du modèle précédent, ainsi que le rappelle le directeur technique Pat Fry, arrivé il y a un an à Enstone :
“En 2021, la monoplace doit obligatoirement reprendre de nombreux éléments de 2020. Nous avons essayé de faire tout ce que les règles nous permettaient en termes de re-design et d’optimisation. Entre ceci et les changements tardifs en matière aérodynamique, nous avons mené un gros programme de développement, que nous poursuivrons lors des tests à Bahreïn et sur les premiers Grands Prix.”
“La voiture de cette année est une évolution logique de celle de 2020. Nous avons cherché à améliorer les performances aérodynamiques, tout en travaillant autour des structures qui ont pu être réhomologuées entre cette année et l’an dernier. Certaines semblent un peu différentes, mais il s’agit davantage d’une évolution que d’une révolution.”
La monture de Fernando Alonso et Esteban Ocon est cependant plus qu’une simple mise au propre de la RS20, qui avait décroché l’an passé trois podiums en étant la sixième machine la plus rapide du plateau (avec un écart réduit par rapport à Mercedes).
Ainsi, les pontons ont été redessinés. Sur l’Alpine, ils sont en effet plus horizontaux, moins en pente que sur la Renault (comparez les traits jaunes ci-dessus). En cela, le bolide bleu se démarque du dessin en vogue actuellement, qui installe les radiateurs en position oblique afin d’aplatir au plus tôt le capot. Introduit par Red Bull en 2019, ce dessin a été adopté par la majorité des formations.
En outre, l’entrée d’air à l’avant de chaque ponton semble plus petite (flèches rouges). Sous l’ouverture, la découpe – soit la zone que l’on appelle l’“undercut” dans le jargon – paraît plus prononcée (flèches bleues) et renoue avec un dessin plus traditionnel. Sans doute ce remaniement s’explique-t-il par une réorganisation des systèmes de refroidissement, qui ont été revus (voir page suivante).
DES CHANGEMENTS AÉRODYNAMIQUES CRITIQUES
Mais c’est surtout l’arrière du châssis qui a bénéficié d’un important travail aérodynamique, étant donné les nouvelles règles du jeu imposées par le règlement (découpe du fond plat, réduction des déflecteurs dans le diffuseur, diminution des ailettes attachées aux écopes de frein arrière).
Simples en apparence, ces transformations ont en réalité bouleversé l’écoulement du flux d’air à l’arrière des F1, dans une zone particulièrement critique :
“Il va falloir comprendre la voiture sur le plan aérodynamique, a précisé le directeur exécutif de l’équipe Marcin Budkowski à nos confrères d’AutoHebdo, car les zones sur lesquelles ont porté les changements sont notoirement assez difficiles à corréler entre les différents outils : simulation par ordinateur, soufflerie et piste.”
“La partie comprenant les coins arrière du fond plat et les écopes de freins est une zone qui se comporte différemment du simulateur à la piste. On s’attend donc à pas mal de tests pour comprendre et optimiser le comportement de la monoplace.”
UNE NOUVELLE SUSPENSION…
En plus d’un remodelage aérodynamique, l’arrière de l’Alpine a reçu une toute nouvelle suspension, qui a coûté aux ingénieurs d’Enstone deux jetons de développement.
Un choix identique à Ferrari, qui a aussi a dépensé ses “tokens” pour redessiner une nouvelle boîte de vitesses et l’arrière de sa voiture, sans doute comme Red Bull sur sa RB16B (à l’inverse d’AlphaTauri et d’Alfa Romeo qui ont utilisé leurs jetons pour retoucher le nez de leur voiture).
Comme on l’aperçoit ci-dessus, les triangles supérieurs ont été rehaussés (comparez les zones indiquées par des flèches jaunes). Ils présentent une géométrie légèrement différente en ce qu’ils s’attachent moins en arrière (examinez les traits verts). C’est ce qui explique sans doute la descente plus marquée de l’avant-dernière section du pot d’échappement (flèches orange en bas) : passant au-dessus des triangles qui ont été surélevés, il doit redescendre pour atteindre la position réglementaire.
… ET UN REFROIDISSEMENT REPENSÉ
En regardant attentivement, un autre détail attire l’attention (enfin, si on est un brin masochiste comme l’auteur de ces lignes).
La prise d’air située au-dessus du casque du pilote n’est pas plus grande que sur la Renault, mais elle s’élargit ensuite considérablement, dans des proportions exceptionnelles (comparez la largeur des flèches jaunes ci-dessus).
Si on est loin du bonnet phrygien de l’iconique Ligier JS5, la largeur de la partie supérieure du capot est gigantesque sur l’Alpine A521 par rapport à ce qui se fait ailleurs.
Il est probable que les ingénieurs d’Enstone aient déplacé les capacités de refroidissement vers le haut, le long de l’axe longitudinal, afin d’installer des radiateurs plus compacts dans les pontons, qui ont dès lors été amincis, comme on l’a vu.
Contrairement au reste de la voiture, ce nouveau système de refroidissement est une inconnue sur le plan de la fiabilité, comme l’a expliqué Budkowski à AutoHebdo :
“Nous pouvons compter sur une base mécanique suffisamment stable avec un moteur évolué, mais qui reste le même, une boîte identique, de mêmes éléments principaux.”
“Par contre […], avec les nouvelles suspensions arrière, les nouveaux systèmes de refroidissement, il y a pas mal de choses à valider d’un point de vue système.”
MOTEUR : UNE VERSION B… AVANT DE TOUT CHANGER
Sous le capot de l’A521, un gros travail sur le refroidissement du moteur et des autres systèmes a donc été accompli. Quant au groupe propulseur proprement dit, il développe plus de 950 chevaux selon Viry-Châtillon et constitue une évolution du bloc précédent, comme le suggère la lettre B de sa dénomination (R.E.20B) :
“Pour 2021, les changements sont minimes par rapport à la spécification du groupe propulseur de l’an passé, explique le directeur technique en charge du moteur Rémi Taffin, puisque nous nous sommes concentrés sur 2022 après avoir dû reporter d’un an le programme initial pour 2021.”
“Le poids minimum requis pour l’ensemble du groupe propulseur a augmenté de cinq kilogrammes dans le cadre de la réduction des coûts liés aux restrictions matérielles. Comme toujours avant une nouvelle campagne, l’objectif est de garantir la fiabilité tout en maintenant un haut niveau de performance moteur sur chaque course.”
La fiabilité jouera un rôle encore plus décisif puisque, même avec davantage de courses au calendrier (23), chaque pilote ne pourra pas utiliser plus de trois moteurs à combustion interne, trois turbocompresseurs, trois MGU-H, trois MGU-K, deux batteries, deux boîtiers de contrôle électronique et huit jeux d’échappements.
En termes de performances, après avoir souffert au début de l’ère hybride, le V6 Renault s’est hissé au niveau des meilleurs en gagnant 30 chevaux par an depuis 2014. Pour la dernière saison d’une formule en fin de cycle, les motoristes de Viry ont décidé d’optimiser le bloc 2020 et de concentrer leurs efforts sur 2022.
Car l’an prochain, le V6 tricolore changera d’architecture, comme l’a suggéré Budkowski à nos confrères anglais de Crash. S’agira-t-il d’une architecture qui, à l’instar de Mercedes et Honda, sépare le compresseur de la turbine, comme les rumeurs et quelques images le laissent croire ? À la question de savoir si Viry pourrait adopter cette architecture, Rémi Taffin a répondu :
“Nous pourrions suivre ce chemin, nous sommes en train d’évaluer [les options possibles].”
PRÉPARER 2022
Pour le reste, le modèle A521 ressemble à son prédécesseur. La voiture a conservé un nez fin doté d’une cape, cet appendice qui a fait florès dans le paddock et qui joue un rôle considérable sur les Formule 1 d’aujourd’hui.
Sur les illustrations du lancement, la cape de l’Alpine comportait un petit déflecteur additionnel (flèches rouges), qui n’était cependant pas présent sur la voiture pilotée par Esteban Ocon à Silverstone mercredi.
Quant à l’aileron avant, il conserve le même concept “descendant”, alors que la suspension paraît inchangée.
Comme ses rivales, l’Alpine A521 est un être hybride, mélangeant éléments anciens et pièces nouvelles. Descendante de la RS20, qui dérivait elle-même de la RS29, a-t-elle effectué un bond en avant suffisant pour se mêler à la conquête de la troisième ou quatrième place chez les constructeurs ?
L’an passé, la lutte en tête de peloton était extrêmement serrée, et l’écurie avait progressé en trouvant des réglages adaptés au fonctionnement de la voiture. Il faut espérer que l’Alpine soit bien née, afin que l’équipe ne soit pas obligée de déployer ses ressources afin de rattraper la concurrence. Car la véritable échéance pour Enstone et Viry sera l’an prochain :
“Nous devons être prudents entre la tentation de développer l’A521 le plus longtemps possible et la montée en puissance du projet 2022, rappelle Budkowski. C’est un numéro d’équilibriste auquel toutes les écuries sont confrontées, mais ces changements sont d’une ampleur inédite en F1, ce qui renforce l’importance de commencer tôt sur le concept initial [du châssis 2022].”
Si l’A521 aurait le droit de décevoir vu le statu quo réglementaire, ce ne sera pas le cas de sa remplaçante, dont tout le monde, y compris Fernando Alonso, attend monts et merveilles. En 2022, il ne faudrait pas que la montagne Alpine accouche d’une souris.
PRUEBAS DE PRETEMPORADA BAHRAIN 2021
ALPINE REHAUSSE LES RADIATEURS ET S’AMINCIT
Beaucoup se sont interrogés sur la largeur du capot moteur de l’Alpine A521, qui ferait presque penser à celui de la Ligier JS5. Les ingénieurs d’Enstone ont déplacé les radiateurs qui se trouvaient à l’intérieur des pontons vers la zone située au-dessus du moteur. C’est ce qui explique que la carrosserie soit si volumineuse à cet endroit.
Bien entendu, cette protubérance perturbe l’écoulement de l’air sur l’aileron arrière. Le choix d’Alpine est le suivant : en rehaussant les radiateurs, les ingénieurs ont réduit la taille des radiateurs dans les pontons et ainsi améliorer la circulation de l’air vers le diffuseur. Un diffuseur plus efficace compense les pertes d’appui probables au niveau de l’aileron arrière (car l’extracteur génère moins de traînée qu’un aileron).
Pourtant, lors de la deuxième journée de test, l’Alpine a subi une cure d’amaigrissement bienvenue.
L’écurie française a installé un capot moteur nettement moins volumineux que la version initiale (comparez les flèches jaunes). On ignore si certains radiateurs ont par conséquent été déplacés pour affiner la carrosserie. La nouvelle version ressemble davantage à celle que l’on pouvait voir sur la Renault RS20 de l’an passé.
GP BAHRAIN 2021
DANS LA GROTTE DE LA MONTAGNE ALPINE
Lors de la présentation de la monoplace française et durant les essais d’avant saison, on s’est beaucoup interrogé sur le volumineux capot moteur de l’Alpine, clairement plus large que celui de ses concurrentes. Grâce à nos images exclusives, on en sait maintenant un peu plus.
Si l’apparence de l’A521 évoque celle de la Ligier JS5, en exagérant un brin, c’est parce que des conduits d’alimentation en air ont été ajoutés sur les côtés. Il s’agit des conduites en carbone que l’on voit ci-dessus (voyez le trait jaune).
Comme ils contournent le radiateur central par les côtés, ils prennent de la place de part et d’autre de l’axe longitudinal. Ce qui explique l’embonpoint pris par la carrosserie à cet endroit par rapport à la Renault R20.
Examinons ce qui se passe sous le capot. L’Alpine conserve un radiateur central, installé au-dessus du moteur dans le sens de la longueur et entour par les deux conduits mentionnés plus haut. Il semble plus fin que celui de la RS20, mais se prolonge loin en arrière. Ce radiateur est alimenté par une entrée d’air centrale, sans que l’on sache actuellement s’il s’agit de l’entrée triangulaire au-dessus du casque du pilote (1) ou de celle qui est située derrière le casque (2 – mais dans ce cas, comment le moteur thermique serait-il alimenté en air ?).
Sous cet échangeur central, un plus petit radiateur est installé transversalement. C’est lui qui est alimenté en air frais par les deux gros conduits latéraux mentionnés plus haut, qui élargissent le capot moteur.
On peut penser que les ingénieurs d’Enstone ont ajouté cet échangeur transversal – absent sur le châssis de l’an dernier – pour qu’il prenne en charge une partie du refroidissement auparavant assuré par les radiateurs installés dans les pontons.
Ce qui permettrait d’amincir les radiateurs et par conséquent les pontons. Sauf que cela ne paraît pas être le cas. En effet, si leur entrée a été rabotée (flèches bleues), les pontons ne semblent pas beaucoup plus étroits que sur la Renault. Or, l’Alpine a souffert par forte chaleur, ce qui pourrait poser un problème les mois d’été. Bref, on en sait plus, mais pas encore tout… pour le moment ! Marcin Budkowski a annoncé que la voiture recevrait une “bonne” mise à jour à Imola dans trois semaines.
DES PICS SUR LE FOND PLAT
Sur le plan aérodynamique, les monoplaces ont déjà évolué depuis les essais tenus il y a deux semaines.
Comme on l’a expliqué ailleurs, c’est la région du fond plat, et plus particulièrement la zone située devant les pneus arrière des F1, qui reçoit toute l’attention des aérodynamiciens. À la suite des changements introduits dans le règlement technique, les écuries explorent plusieurs pistes (concrètement, en ajoutant ou déplaçant de petits déflecteurs verticaux) afin de récupérer l’appui perdu. C’est ce qu’a fait Aston Martin, comme on l’a expliqué en page 2, mais elle n’est pas la seule.
On a ainsi vu Fernando Alonso et Esteban Ocon tester deux versions du fond plat de l’Alpine. Toutes deux introduisent un nouvel élément devant les roues arrière : quatre ailettes dans la version 1, une seule pièce crantée dans la version 2, au lieu de trois éléments pendant les tests.
La mission de ces ailettes est de dévier le flux d’air et de produire de petits tourbillons afin de contrecarrer les turbulences provoquées par la rotation des roues arrière (le fameux “tyre squirt”). Jusqu’à cette année, la partie désormais retirée du fond plat protégeait le diffuseur de ces perturbations.
Comme on le voit ci-dessus, la version 2 ajoute deux déflecteurs supplémentaires (flèches rouges) et redouble le déflecteur métallique (flèche blanche). Le rôle de ces pièces ? Générer de petits vortex (schématisés en jaune) le long du soubassement afin d’aider à sceller les bords du diffuseur, comme le faisaient les entailles et encoches désormais interdites.
Enfin, le carénage du halo a été modernisé sur la monoplace bleu métallisé.
La version rudimentaire vue durant les tests laisse place à un modèle coiffé de deux ailettes, ajoutées sans doute pour optimiser l’écoulement du flux d’air vers les entrées d’air au-dessus et derrière le casque du pilote.
POST GP BAHRAIN 2021:
BOÎTE RETOUCHÉE SUR L’ALPINE A521
Comme on l’avait noté lors de la présentation de l’Alpine A521, les ingénieurs d’Alpine ont dépensé leurs deux jetons de développement sur la suspension arrière, dont les triangles ont été rehaussés.
Grâce à la comparaison avec la boîte de la Renault RS20 ci-dessus, on distingue assez bien les modifications apportées au caisson en carbone qui abrite la boîte de vitesses. Le point d’attache antérieur du triangle supérieur (flèche jaune) a été surélevé, grâce à l’ajout d’une pièce (flèche blanche). Logiquement, les porte-moyeux ont aussi été relevés (comparez les flèches rouges), tout comme le point d’attache postérieur du triangle supérieur (flèches vertes).
Grâce à ces modifications, la géométrie de la suspension est différente (même si le triangle inférieur n’est pas attaché sur les images) et dégage davantage d’espace pour le passage du flux d’air (comparez les traits jaunes), afin d’optimiser le travail du diffuseur.
On a expliqué ailleurs pourquoi l’Alpine possédait un capot moteur aussi volumineux.
GP EMILIA ROMAGNA 2021:
ALPINE À LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU
Que l’écurie Alpine introduise de nombreuses nouveautés aussi tôt dans la saison (après seulement une course) est un brin surprenant.
Ce étrange calendrier se comprend mieux quand on sait que le développement aérodynamique du châssis A521 a été ralenti cet hiver par des problèmes affectant la soufflerie d’Enstone, comme l’a révélé Marcin Budkowski le week-end dernier :
“En allant aux tests de Bahreïn, nous savions que nous avions subi des vents contraires pendant l’hiver, dus aux changements réglementaires, bien sûr, mais aussi à des problèmes de soufflerie, qui nous ont ralentis en termes de développement. Nous n’avons pas eu la meilleure intersaison, et cela nous a mis en position de faiblesse. Nous avons apporté pas mal de nouveautés ici, mais il en faudra encore d’ici les prochaines courses pour être là où nous voulons être.”
Parmi les nouvelles pièces figure un nouvel aileron, qui est en réalité le véritable modèle 2021. La version précédente, utilisée à Bahreïn pour les tests et le Grand Prix, était une version de l’année passée.
Sur le nouvel aileron, le plan principal est beaucoup plus plat (comparez les traits rouges), alors que les dérives latérales ont perdu leur découpe carrée (flèches vertes). L’extrémité intérieure des volets (flèches jaunes) a été complètement remodelée, afin d’orienter différemment le fameux vortex Y250.
Pièce emblématique des F1 actuelles, la cape a également été modifiée au niveau de l’entrée d’air du S-duct (astucieux système expliqué ici) et du bord de la cape, désormais doublé par un long volet soutenu par une pièce métallique (flèches rouges).
Il est curieux de constater que cette cape et le nouvel aileron figuraient sur les illustrations fournies au moment du lancement de l’A521, preuve que ces images peuvent parfois être fidèles… voire prospectives !
GP PORTUGAL 2021:
… ET ALPINE DÉCOUPE
Après avoir introduit un important ensemble de nouveautés à Imola, Alpine continue de rattraper le temps perdu cet hiver (retard dû à des problèmes dans la soufflerie d’Enstone).
L’écurie française a raboté l’un des déflecteurs installés dans le diffuseur (comparez les traits jaune et blanc).
Favoriser l’expansion latérale du flux d’air est l’un des rôles que jouent les déflecteurs verticaux (ou “strakes”) placés à l’intérieur du diffuseur d’une Formule 1, dont les secrets sont dévoilés ici.
Leur rôle ? Produire une série de vortex pour maintenir le flux d’air attaché.
Par sa forme, un diffuseur produit deux gros vortex sur ses côtés. En ajoutant des déflecteurs à l’intérieur, les aérodynamiciens ont remarqué que ces panneaux verticaux, souvent courbés, généraient d’autres vortex, plus petits mais qui amélioraient tout de même le fonctionnement du diffuseur en énergisant le flux d’air qui, de ce fait, avait moins tendance à se détacher.
C’est ce qui explique la multiplication des déflecteurs verticaux (ou “strakes”) à l’intérieur des diffuseurs ces dernières années. Jusqu’à 2020, ils pouvaient descendre jusqu’au niveau du fond plat.
Cette saison, par contre, ils ne peuvent pas faire plus de 5 cm de hauteur. Curieusement, Alpine a raboté l’un des déflecteurs davantage que ce qu’impose le règlement. Comme pour le fond plat découpé en “Z” (qui privilégient la forme à la surface), les aérodynamiciens semblent donc trouver des gains autrement qu’en étendant les surfaces jusqu’au maximum autorisé.
GP ESPAÑA 2021:
ALPINE INTERROMPT SON ASCENSION
La belle pointe de vitesse affichée par l’A521 en qualification s’est évaporée en course le lendemain, à cause d’une stratégie à un seul arrêt sans doute trop optimiste.
Reste que sur un circuit qui ne lui a jamais vraiment souri, Enstone a affiché une réelle progression en vitesse pure : de 1”614 en 2021, le déficit de l’équipe par rapport à la pole position s’est réduit à 0”839 ce week-end. Preuve que, malgré son large bonnet phrygien, la monoplace bleue affiche une belle efficacité aérodynamique.
En la matière, Alpine continue de rattraper le temps perdu cet hiver (retard dû à des problèmes dans la soufflerie d’Enstone). Une semaine après avoir modifié le diffuseur au Portugal, elle l’a encore remanié en Espagne.
Les aérodynamiciens d’Enstone, emmenés par Dirk de Beer, ont raboté les déflecteurs verticaux placés à l’intérieur du diffuseur, dont le rôle est de favoriser l’expansion latérale du flux d’air et de réduire le risque de détachement de celui-ci. Leur base suit une découpe désormais oblique et bon plus parallèle à la piste, comme on le voit en observant les traits pointillés et en comparant les flèches rouges.
GP MÓNACO 2021:
UN PEU DE McLAREN SUR L’ALPINE
En raison de problèmes liés à la soufflerie, l’écurie Alpine a perdu du temps cet hiver et a entamé le championnat avec un désavantage en performance.
C’est la raison pour laquelle elle imprime à son développement un rythme très soutenu. Après l’aileron avant et la cape en Émilie-Romagne, après le diffuseur au Portugal, après le diffuseur – encore une fois – en Espagne, c’est au tour des bargeboards d’être retouchés sur la monoplace de Fernando Alonso et Esteban Ocon.
Une ailette a été ajoutée au déflecteur latéral (flèches jaunes et détail en médaillon), un peu dans l’esprit de ce que fait McLaren depuis l’année passée. Deux éléments verticaux ont par contre été supprimés (flèches rouges).
Les bargeboards jouent trois rôles sur les F1 actuelles (conditionneur de flux, générateur de vortex et créateur d’appui), que nous détaillons dans notre dosser exclusif.
On notera que les écuries utilisent une direction modifiée pour les tracés urbains comme Monaco, où les épingles sont plus serrées qu’ailleurs. Cet ajustement de la direction est une exception au développement mécanique figé des bolides.
GP AZERBAYÁN 2021:
MOINS DE VOILURE À L’AVANT AUSSI
En toute logique, la surface de l’aileron avant de toutes monoplaces a été réduite, afin de correspondre à la baisse d’appui à l’arrière, comme on le voit sur l’image ci-dessus, qui compare les deux versions de l’aileron de l’Alpine pilotée par Fernando Alonso et Esteban Ocon.
GP STYRIA 2021:
L’ASYMÉTRIE D’ALPINE
Petit à petit, Fernando Alonso retrouve ses marques en Formule 1. Depuis le Grand Prix d’Azerbaïdjan, il a pris le dessus sur Esteban Ocon, en le devançant aussi bien en qualification (trois Q3 à zéro sur les trois derniers Grands Prix) qu’en course (14 points à zéro sur la même période).
Une progression qui s’explique par sa réadaptation à la F1 après deux saisons d’absence, mais aussi en partie par l’installation à Bakou d’une direction spécifique sur son Alpine, différente de celle utilisée par Esteban Ocon. Comme d’autres pilotes, l’Espagnol est très pointilleux sur le niveau d’assistance, et apprécie une direction lui transmettant beaucoup d’informations sur les variations d’adhérence de la piste.
Si les différences entre les deux spécifications ne sont pas connues, on a en revanche remarqué, ce week-end, que les suspensions d’Alonso et d’Ocon n’étaient pas strictement identiques au niveau de l’amortisseur de plongée. Pour rappel, alors que la barre antiroulis contrôle le transfert de charge d’un côté de la voiture à l’autre, cette pièce prend en charge le transfert de masse entre l’avant et l’arrière.
En liant les roues gauche et droite (qui s’affaissent ou remontent simultanément), cet amortisseur contrôle la plongée de la monoplace au freinage ou à l’accélération, ainsi que la hauteur de caisse, qui varie entre autres sous l’effet de la charge aérodynamique générée par les ailerons.
L’amortissement peut être produit de différentes façons, notamment avec des rondelles fabriquées en treillis métallique, comme c’est le cas sur l’Alpine (elles peuvent être en caoutchouc – ce sont alors les rondelles Belleville – ou bien le système peut être totalement hydraulique, comme chez Mercedes). Ces rondelles créent un effet d’amortissement lorsqu’elles sont comprimées (différentes configurations de charge ou d’amortissement sont possibles en fonction de la densité du fil torsadé).
Sur la monoplace du double Champion du monde espagnol, l’amortisseur comporte trois rondelles, alors qu’il n’en compte que deux sur celle de son équipier, comme on le voit sur l’image ci-dessus. Pour être honnête, on ignore ce que ces différences visuelles impliquent précisément. L’Asturien préférerait-il des réglages plus durs que ceux d’Ocon ?
Ce que l’on sait, par contre, c’est que ce “troisième élément de suspension” travaille de concert avec la direction, notamment parce que le poussoir est monté sur le porte-moyeu plutôt que sur le triangle de suspension inférieur (il s’agit de la configuration de suspension baptisée “pushrod-on-upright” expliquée ici en détail). Il n’est donc pas surprenant que cette pièce ait été adaptée en même temps que la direction.
Une direction plus adaptée aux ressenti du pilote est capitale (car elle accroît sa confiance dans sa monoplace, l’aidant ainsi à mieux cerner ses limites), même si elle n’explique pas tout. Le score vierge d’Ocon sur les trois dernières courses tient aussi à la casse de son moteur à Bakou, qui l’obligea à jeter l’éponge.
À propos de moteur, les deux Alpine étaient dotées en Autriche d’un capot asymétrique. L’évacuation du côté gauche était sensiblement plus grande que celle à droite, comme on le voit sur la comparaison ci-dessus.
GP HUNGRÍA 2021
ALPINE (SE) RENFORCE
Pas d’évolution majeure sur l’A521 victorieuse dimanche aux mains d’Esteban Ocon, si ce n’est l’amélioration de la rigidité des éléments composant la dérive latérale de l’aileron arrière.
Comme on le voit ci-dessus, deux renforts ont été ajoutés, qui attachent les lamelles descendant de la partie supérieure de la dérive à sa partie inférieure (comparez les flèches jaunes).
Pour aller vite, cette série d’entailles verticales travaillent en collaboration avec les ailettes fixées sur l’écope de frein arrière et le diffuseur.
En déviant une partie du flux vers l’intérieur de l’aileron (ce qui n’est pas désirable isolément), elles permettent à ces ailettes attachées au écopes de frein de “respirer” et de bien remplir leur mission : diriger le flux d’air vers le haut et le connecter à l’aileron arrière.
Il faut les considérer comme un élément d’un système : le fait qu’elles dévient le flux vers l’intérieur de l’aileron n’est pas idéal en soi mais permet aux ailettes de mieux travailler, ce qui améliore la performance globale. Ces lamelles ont été remplacées, chez certaines écuries, par un dessin très original (avec des incises sinueuses) inventé par Haas en 2019, repris par Red Bull en 2020 et par McLaren en 2021.
Cette modeste mise à jour n’a pas transformé l’Alpine en foudre de guerre, elle dont la compétitivité ce week-end tient surtout au fait que l’A521 possédait les caractéristiques requises pour bien figurer sur le Hungaröring (bonne motricité, habileté dans les virages lents). À son volant, Esteban Ocon et Fernando Alonso s’étaient bien qualifiés (huitième et neuvième sur la grille), mais de là à imaginer une victoire, il y avait de la marge. Pour atteindre le sommet de la première place, il a fallu à la monoplace bleue une bonne dose de chance et deux excellents pilotes.
Le plus jeune d’entre eux a remporté dimanche son premier Grand Prix, sur le circuit où le plus âgé arracha son premier succès en F1 dix-huit ans plus tôt.
BALANCE DE TEMPORADA 2021:
Avec un monoplace dérivée du châssis 2019 et un moteur en bout de développement, Alpine s’en est tirée avec les honneurs, même les carences aérodynamiques de l’A521 suscitent quelques inquiétudes pour le futur.
En novembre dernier, Michel Houellebecq donnait au Rex un spectacle intitulé “Existence à basse altitude”.
En étant un brin sévère, la formule résume les récentes campagnes de l’écurie installée à Enstone.
Depuis trois ans, elle stagne en cinquième position, à bonne distance des sommets promis lors du rachat de l’équipe fin 2015.
Même s’il déçoit, le résultat est malgré tout flatteur pour la première saison du team sous l’appellation Alpine.
En effet, avec une monoplace dérivée du châssis 2019 et un moteur à peine évolué, l’équipe a devancé AlphaTauri (dont la voiture était beaucoup plus rapide comme on le voit sur le graphique ci-dessus), remporté son premier Grand Prix depuis 2013 et fait remonter Fernando Alonso sur le podium.
Un résultat honorable vu les circonstances.
On utilise quasiment le même châssis, la même boîte de vitesses et le même moteur depuis trois ans, confirme le directeur exécutif de l’équipe, Marcin Budkowski. On avait prévu de s’en servir pendant deux saisons, c’était une décision stratégique, prise en conscience. Mais jamais on n’aurait imaginé les utiliser pendant trois ans… Cet allongement est une conséquence de la pandémie de Covid et de la prolongation d’un an du règlement technique.”
“Par ailleurs, le fait que nous ayons aussi gelé le moteur depuis trois saisons nous a fait perdre du terrain par rapport aux autres motoristes [un nouveau V6, sans doute à architecture dissociée comme celui de Mercedes, est prévu pour l’an prochain]. Là encore, c’était un choix tactique, lié à l’introduction d’un nouveau règlement technique. C’était la décision à prendre vu nos ressources, même si ça été pénible.”
“Avec une voiture qui avait la même base mécanique [qu’en 2019], nous avons réussi à maintenir notre position au championnat, et à nous rapprocher un peu des meilleurs. Ce qui signifie que l’équipe a progressé dans les domaines que nous n’avions pas figés.”
Ce constat est vrai en partie. D’un côté, l’équipe de course dirigée par Alan Permane a exploité l’A521 d’une façon magistrale, en brillant dans la stratégie, la gestion des pneus (le plus souvent), la collaboration entre les pilotes.
En bénéficiant, aussi, d’un brin de chance, car les résultats n’ont pas été très constants. Les deux meilleurs résultats d’Alpine (en Hongrie et au Qatar) contribuent ainsi à hauteur de 40 % du total des points marqués.
D’un autre côté, la monoplace bleue est un échec du point de vue aérodynamique – domaine qui n’était pas gelé par le règlement ni par des choix stratégiques de l’équipe.
Pat Fry (directeur technique) et Dirk de Beer (aérodynamicien en chef) ont supervisé la conversion de la Renault RS20 en Alpine A521. Au-delà des découpes dans le fond plat, les attaches de suspension ont été rehaussées pour optimiser le flux d’air à l’arrière. Toujours pour améliorer l’écoulement de l’air, le refroidissement a été réorganisé sous le capot (devenu particulièrement large). Sans réel succès, comme le reconnaît Budkowski avec honnêteté :
“Nous avons développé la voiture sur le plan aérodynamique. Mais je ne crois pas que nous ayons fait le meilleur boulot qui soit sur le règlement 2021, qui modifiait le fond plat. D’autres équipes ont mieux travaillé que nous, d’autres moins bien… On a un peu manqué nos objectifs.”
“Cela dit, si on ne les avait pas ratés, on aurait sans doute mieux consolidé notre cinquième place, mais on n’aurait pas pu aller chercher McLaren.”
Malgré les évolutions introduites lors des premières courses afin de rattraper le temps perdu cet hiver (à cause de problèmes dans la soufflerie d’Enstone), l’A521 n’est jamais devenue une fusée.
Elle était généralement plus à son aise dans les virages lents que dans les courbes rapides. Dans ces conditions, elle a pu rivaliser avec la Ferrari et la McLaren, comme on l’a vu au Portugal, en Azerbaïdjan, en Turquie ou au Qatar.
Sur d’autres circuits, elle bataillait avec l’Aston Martin, conformément à son sixième rang en vitesse pure.
Si l’équipe a réussi à hisser l’A521 au-dessus de sa valeur intrinsèque grâce à une impeccable exploitation en piste (contrairement à Alfa Romeo ou AlphaTauri), les carences aérodynamiques de sa monoplace ont de quoi inquiéter.
Cela fait plusieurs années qu’Enstone se réorganise et se concentre sur le projet 2022. Un bond en avant vers le sommet est obligatoire si elle veut rester crédible.